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LES MOTS POUR LE DIRE...
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9 janvier 2014

DES CLONES ET DES CLOWNS

 

  Mon nom est Eugène Duchemin...

  Je sens des ondes positives! "Il" est assis au-dessus de moi. Je perçois son désarroi. "Il "doit émettre un rayon qui appelle au secours. Mes cellules réagissent  comme de petites éponges qui se gorgent d'air. Je ne maîtrise plus le jeu. La vie ne me quitte pas, je suis comme ces bougies que l'on éteint d'un souffle et qui se rallument à l'infini.

   Peut-être, si je fais semblant d'être mort le serais-je vraiment? Oui, c'est ça, je vais ignorer le branle-bas de combat de mes cellules guerrières et me fondre à la terre.

   Il fait chaud, voilà que les sensations me reviennent. Je vais donc à nouveau souffrir, rire, pouvoir bouger tout cet amas de chair pitoyable. En haut, la nature doit reprendre ses droits. Impossible de mourir en paix. Mais aussi, quelle idée de faire des plantations sur ma tombe. Je vais inspirer et m'emplir d'air une dernière fois.

   La dérangeante pensée me revient...et, avec elle, son cortège de souvenirs...

   Qu'elle étrange destinée fut la mienne:

   En 1847, j'ai épousé une des caméristes de la reine Amélie. J'étais moi-même le médecin personnel de sa majesté Louis-Philippe, le roi au visage en "poire". Ah, l'a-t-on assez  brocardé ce cher homme! Le bourgeois souverain ou souverain bourgeois, il faut dire qu'il n'avait pas le choix, l'aristocratie ne lui pardonnait pas d'avoir pour grand-père le parjure Philippe Egalité qui avait ,il est vrai, voté la mort de son cousin Louis XVI le serrurier.

   Il devait son trône aux financiers qui faisaient et défaisaient les fortunes dans cette France étouffée par une "restauration" à l'autoritarisme pesant. Mais, les français avait goûté l'ivresse d'une révolution et la seconde ne leur parue qu'une formalité.

   Ma promise avait tout juste 16 printemps, j'étais moi-même un vieillard de 27 ans, tant il est vrai que les hommes, à cette époque ne dépassaient guère leur cinquantième année.

   Louise était si belle!...un petit bonnet de dentelle enserrait ses cheveux qu'elle avait longs et roux, mais d'une rousseur blonde, comme les champs du père Thomas, là-bas au pays.

  Sa robe était faite de broderies au point d'Alençon et de mousseline blanche. La reine avait tenu à offrir elle-même parure et trousseau à ma Louise qui  froufroutait de partout ainsi parée. Une apparition vraiment, au premier regard, je découvrais comme une icône, une madone vaporeuse, mais en y regardant à deux fois, je percevais des horizons faits de promesses de plaisirs charnels et de braises incandescentes.

 

  Les yeux de Louise pétillaient comme les bulles de ce petit vin de Champagne que l'on découvrait dans les salons parisiens depuis peu. L'ivresse me guettait, il était grand temps de nous marier si nous ne voulions pas que naissance vienne avant épousailles!

   Dieu que la vie était belle en ce temps là!...mais Dieu que ce temps là fut court!

   En tout cas, Louise a tenu les promesses de ses yeux et notre nuit de noce a bien été le feu d'artifice promis.

   Il faut que je cesse d'avoir ces pensées, parce que tout mort que je suis, je pourrais encore lever le couvercle de la boite et ça n'améliorerait pas la situation.

   La troisième révolution n'a pas arrangé nos affaires à Louise et à moi, nous avons tous deux perdu d'un coup nos « engagements » et il a fallu  nous exiler en Normandie, le bout du monde cette campagne boueuse ! Trois heures de chemins détrempés pour arriver enfin exténués et poussiéreux. J'ai cru que Louise allait mettre notre enfant au monde sans plus attendre. Mais, ma sauvageonne avait le corps d'une paysanne et elle tint bon la petite vie en elle pour accoucher à la maison.

   J'ai un doigt de pied qui me démange. Je ne puis faire le mort avec cette vie qui s'infiltre en moi, c'est une drôle de sensation, comme des aiguilles qui me torturent pour que j'avoue mon statut d'être vivant.

   Dans l'Angleterre Victorienne, on avait l'habitude d'enterrer les morts avec un fil de fer attaché au pied. Le tout était relié à une clochette placée sur la tombe et qui devait alerter le chaland lorsque le défunt manifestait quelques velléités de résurrection. Douce époque, qui offrait le luxe de revenir à la vie.

   Victoria était une charmante personne, du moins dans sa jeunesse, l'âge et le pouvoir l'ayant passablement abîmée.

   J'ai eu l'honneur de la soigner autrefois, sa majesté m'ayant très aimablement prêté à sa cousine. Je me souviens, non sans émois, d'une très jolie jambe et de troublants froufrous royaux!

 

 

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ANTOINE 2070

 

  Lucie et Antoine s’étaient retrouvés au café des Arts ce jour là, sur les consignes de la jeune femme qui avait souhaité ce rendez-vous.

   Ils ne vivraient jamais ensemble. La solitude et le manque pesaient sur les épaules du jeune médecin qui s’était précipité à l’appel de son ex-compagne.

   - C’est une bonne idée, tu dis à sept  heures précises ? J’y serais, ça peut être intéressant. Une expérience à tenter en tout cas.

   - Tu sais, les chasseurs sont comme le gibier : en voie de disparition…mais espèce non protégée évidemment. Ce sont les mammouths du vingtième siècle, emportés par le raz de marée écolo. Enfin ! Moi, personnellement, je ne connais les sangliers que par les photos qui traînent sur les sites annimaliés ! Quand aux cerfs, je pensais hier encore qu’il s’agissait d’anciens paysans asservis.

   - L’orthographe et toi…il y a divorce !

   - Pour ça aussi, c’est la fin. Un petit clic vaut mieux que grosse migraine !

   - Je te raccompagne si tu veux ?

   - Non, je dois voir une amie. Demain, sept heures, n’oublies pas !

   Il la vit s’éloigner avec une tonne de regrets qui lui donnaient envie de vomir soudain, là au beau milieu du trottoir ! Elle marchait vite, comme un soldat, à pas réguliers et courts, ses longues jambes semblaient voler et ses talons claquaient sur le bitume.

   Soudain, alors qu’elle allait se perdre au détour de la rue, elle se retourna et lui adressa un petit signe : une aumône, lot de consolation pour un amour en perdition !

   Le lendemain, il était fin prêt pour la partie de chasse qu’elle lui avait proposé en exutoire pour aérer son corps et son esprit.

   Il se trouva ridicule coincé dans une sorte d’uniforme kaki qu’elle lui avait imposé en arrivant dans le « bunker » servant de vestiaire aux chasseurs. Elle l’aida à enfiler le dernier accessoire, une sorte de blouson aux teintes brouillées, parfait pour un camouflage.

 

 Un vieil homme se hâtait en silence à ses cotés. Antoine entama la conversation :

   - Beau temps non ?

   L’autre lui répondit par un grognement. Il insista :

   - vous venez souvent ici ?

   Lucie s’était éloignée, il la chercha du regard..

   - Je suis chasseur alors….je chasse !

   Antoine insista :

   - Il n’y a plus rien à chasser, tout est protégé à présent.

   - Ouais, mais le chômage nous a apporté la solution, nous payons des types et ils remplacent le gibier. Bien sûr, nous tirons des balles à blanc, mais l’illusion est là. Si l’on relève des traces sur leur blouson, ils sont censés être morts. Ils sont payés à l’heure, alors vous pensez, ils ont tout intérêt à faire durer le plaisir !

   - Pardon ! Mais c’est illégal ça ! Je pensais venir à une sorte de balle trappe ou  à une partie de chasse sur cibles virtuelles : hologrammes ou autres ?

   L’autre l’observait dubitatif !...d’un regard, il avait enregistré l’accoutrement de son interlocuteur.

   - Il sera toujours bien temps pour vous de découvrir ce qui vous attend. Vous savez,  mon père m’a raconté qu’un jour il s’était payé un ministre de l’environnement. Il faut dire qu’elle les avait bien asticotés avec ses lois anti-ci et anti-ça. Quand  ils l’ont vu arriver pour jouer le rôle du gibier, je peux vous dire qu’ils étaient tous super motivés pour lui courir après !...le chômage, je vous dis, il guette chacun d’entre nous. Enfin… !

   La voix de Lucie intervint :

   - Tu viens pour le briefing !

   Ils étaient tous en rond, comme des indiens sur le sentier de la guerre, fusil cassé sur l’épaule, chien bloqué à leurs pieds. Le président parlait au centre, il énonçait les règles d’une voix tonitruante.

   Antoine écoutait, fasciné par le sérieux avec lequel ces hommes jouaient… : échappés de l’enfance, adultes en errance.

 

 Soudain, le silence se rompit, les voix éclatèrent, les mains écrasèrent les épaules amies et les bottes martelèrent la terre ! La traque commençait. Lucie lui adressa un regard complice. Elle ne faisait pas partie du même groupe.

   Il suivit en se hâtant les hommes qui lui faisaient signe.

   - Tu pars par là et tu fonces, aussi vite que tu  peux. Un conseil, planques toi dans un arbre, tu seras peinard. C’est interdit, mais qui le saura ? La plupart de ceux qui sont là le font.

   Antoine regretta d’être venu, ça n’était pas amusant après tout et la perspective de passer quelques heures accroché en l’air ne l’enthousiasmait pas.

   Il se résolut à marcher. La forêt était belle, bien que trop aseptisée à son goût. Tout était devenu tellement répertorié et rigoureusement rectiligne que la nature même semblait  porter le deuil de toute fantaisie. Il en serait quitte pour une ballade sous un ciel limpide.

   Il entendait au loin les traqueurs et les chiens et s’en trouva contrarié. Il avait oublié un instant le but de sa promenade. Une trompe résonna au loin, un seul coup bref : ils avaient dû identifier une cible. Antoine trouvait le jeu malsain et puéril, mais après tout, si tout le monde s’en accommodait !

   Il perçut un chuchotement dans les taillis proches et comprit qu’il allait droit sur les « postés », ceux qui attendaient qu’on leur rabatte la proie. Il fit demi-tour, n’ayant nulle envie d’être confronté à eux.

   Il se baissa pour ramasser une « trompette de la mort », s’interrogeant sur ce petit grain de sable qui venait contrer l’équilibre fabriqué. Il y avait bien longtemps que la pollution avait effacé toute trace de champignons.

   Avec étonnement, il vit les feuilles bouger à sa droite et un sifflement accompagna leur bruissement. Il n’était pas si naïf et comprenait que c’était bien une balle qui l’avait frôlé et que cette balle n’entrait pas dans l’idée qu’il se faisait d’un jeu ! Lentement, il refit les gestes de l’enfance, ses bras entourèrent le chêne placé là et ses pieds s’accrochèrent à l’écorce dans un mouvement de tous ses muscles qui entraînèrent son corps. Il se fondit d’un coup dans l’ombre bienveillante des feuillages.

   Il les aperçut alors, avançant à petits pas, courbés vers le sol, têtes rentrées dans les épaules, regards acérés : ils traquaient ! A leur tête, Lucie aux yeux égarés, au visage figé tel le masque d’un carnaval satanique.

   Avec effarement, il lut l’inscription qu’ils portaient tous dans le dos : I V E !

   Lentement, il enleva son blouson et découvrit la cible rouge qui éclatait en son centre !  Sa main écrasa et broya le petit champignon qu’il tenait toujours.

   - Toi, pensa-t-il, tu ne mérites pas ton nom, tu serais bien  plutôt une trompette de la vie !

   Maudit soit l’Institut de la Vie Eternelle !

 

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   EUGENE L’ivresse et les sens…

 

   Mildiou !... que c’est bon !

   J’aurais du essayer bien plutôt.

   L’ivresse est comme un moule chaud et confortable où je m’engouffre voluptueusement, je suis pâte molle, prête à reprendre forme

   Louise est là, qui me parle et je peux l’entendre. Les vignes du seigneur sont pour moi pénétrables ! Rendons grâce à Bacchus et à ses guirlandes de grappes enchevêtrées dans le temps, qui teintent comme des grelots me renvoyant la voix aimée imperceptiblement.

   « Eugène…Eugène, sort la nappe du dimanche. »

   Celle qui sent bon le savon, les bras nus au lavoir, les langues qui s’agitent et le ciel qui s’égare au dessus de l’Iton, passant en flânant sous un soleil de plomb ?

   «  As-tu été voir Honorine, je la trouve palotte, serait-elle grosse ? La boulangère s’est étonnée de son absence, elle lui doit le sou du franc depuis déjà quelque temps. 

   Descend à la cuisine et va voir Honorine, je t’en prie. »

   Hé oui, ma Louise, je vais commencer ma descente d’Orphée vers les enfers rougeoyants, mais je ne suis qu’Adam, qui a croqué la pomme et mon péché grossit, comme un hanneton géant qui m’aspire et m’entraîne loin de tes beaux bras blancs.

   Maudit soit le sexe et les vierges tentatrices cachant sous leur jupon l’oubli et le néant !

   Louise ! Louise, tu es là, je t’entends.

   Je vais reprendre encore un peu de ce vin de Sauvignon, prohibé et enfouit sous des tonnes d’interdits.

   Je suis moi-même un cep, vieux et tordu, trop de vendanges m’ont épuisé. Je bois à ma mémoire saturée !

 

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ANTOINE retrouve cette ville si belle, qui ressembla si longtemps à une capitale assiégée et exsangue. Depuis la crise, les mendiants ont envahi les trottoirs et le « pire », c’est que le jeune homme s’est habitué au « pire » ! Il ne les voit plus, il ne les entend plus, il passe au milieu d’eux comme un bateau  fendant le brouillard.

Après un rapide passage chez Lucie, qui n’a abouti qu’à lui serrer le cœur, il a regagné son appartement. Il n’y perçoit aucun bruit, comme dans une boite « ouatinée » qui l’isole de la fourmilière, tout y est feutré, aseptisé…petite vie en pointillés, bien rangée…Mais tout ça c’était pour avant !

La tête serrée entre ses deux poings fermés, il entend le silence qui s’infiltre en lui comme un bourdonnement qui enfle et le force à se boucher les oreilles. Il pense à ce Calcandéocoliptus, dont le nom résonne comme une promesse colorée et odorante.

Les hommes ont toujours cherché à prolonger la vie, pense-t-il avec tristesse, mais ils l’ont aussi souvent ôtée dans une folie que rien ne peut excuser !
Que de contradictions dans la nature humaine ! Comment gérer un microcosme où chaque petite fourmi serait assurée de vivre éternellement ?.....prolifération d’êtres vivants…trop de bouches pour trop de partage ! Il y aurait-il toujours le même besoin de se prolonger en donnant la vie ? Les hommes cesseraient-ils de procréer et la terre ne deviendrait-elle pas une planète hantée par des vieillards condamnés à vivre, des fantômes qui auraient depuis longtemps perdu cette faculté d’émerveillement et de quête d’idéal que seule la jeunesse peut générer ?

Ne vaudrait-il pas mieux supprimer la peine de vie comme on a banni celle de mort ? Antoine se promet d’en discuter avec son grand-père. En attendant, il se résout à rendre une petite visite à Eugène, au cimetière du Montparnasse.

 

 

Devant la pierre grise, il baisse la tête pour sentir une fois encore la fameuse plante : elle ne libère aucune odeur…pas si troublante que ça après tout !

- Que faites-vous ici ? Lui aboie une voix au fort accent yankee, laissez-nous, nous devons relever le corps, sa famille le réclame en Normandie !

- Sa famille ? Quelle famille ?

- Nous avons un papier officiel, cela ne vous regarde pas !

Antoine s’éloigne et fait semblant de quitter les lieux, cependant il emprunte une petite porte latérale destinée au gardien et se poste à proximité des « profanateurs » se contentant de les observer.

- My god ! Mais il n’y a rien là dedans !

Notre jeune espion sourit et rebrousse prestement chemin.

Mais que voici un mort peu banal songe-il…c’est vraiment l’Houdini des pierres tombales ! Sacré bonhomme !

De joie notre Antoine sautille, lorsque son regard croise une paire d’yeux pétillants de malice, comme ceux d’un enfant. Il s’arrête net.

- Vous êtes Eugène, n’est-ce-pas ?

- Et tu es Antoine, le petit fils d’Edouard…comme tu ressembles à Louise !

Devant un café insipide servi par une machine détraquée, les deux hommes se reconnaissent.

- Je vais te faire un aveu, à toi qui as tout compris. Car tu as tout compris non ?

- Je crois.

- Vois-tu, j’ai suivi de loin ma descendance durant toutes ces années. Mais, jamais, non jamais je ne suis intervenu dans leur destinée. Comment auraient-ils pu comprendre que moi je vivais alors qu’eux mourraient…car ils sont tous morts ! Les uns après les autres : mes enfants, mes petits enfants, puis les enfants de ceux-ci, qui  m’étaient devenus étrangers ! Jusqu’à ce jour où le hasard m’a mis en présence d’Edouard. Il avait 26 ans dans les années 2000 et moi je paraissais avoir le même âge que lui ! Je n’ai pas pu lui dire qu’il était un maillon de ma chaîne ! Mais toi ! Toi tu ressembles à Louise. Tu as ses yeux et jusqu’à ce grain de beauté qu’elle avait au coin des lèvres, posé là comme un bijou.

 

- Ah ! Louise ! Elle est partie aussi tu sais ?...Quand j’ai découvert les vertus du Calcandéocoliptus, j’ai voulu les tester sur moi. Tu comprends, je ne voulais pas faire courir le moindre risque à qui que ce soit. Lorsque j’ai été sûr, vraiment sûr, il était trop tard pour Louise et je n’ai pas souhaité jouer les « dieux tout puissants » en prolongeant la vie des miens.

Comme toi, j’avais compris que celle-ci pourrait devenir un fardeau terrible à qui la porterait pour l’éternité !

- Aidez-moi, il faut que nous retrouvions Lucie, les gens d’IVE doivent être pour quelque chose dans sa disparition.

- Je veux d’abord obtenir de toi une promesse : celle de m’ôter cette vie dont je ne veux plus, dès que tout ceci sera terminé.

- Mais…

- Ecoutes, la fleur dont tu as respiré le parfum tout à l’heure, n’est qu’une banale orchidée qui a l’apparence que je lui ai donnée, celle du Calcandéocoliptus. Je vais faire en sorte que disparaisse toute trace de cette monstruosité que j’ai créée. Ensuite, il te faudra m’aider à quitter ce monde moi aussi. Seul, je ne pourrai pas, j’ai essayé mais c’est impossible, je suis en permanence sous l’influence de cette plante : en overdose de vie, en quelque sorte !

- C’est entendu, je vous fais cette promesse.

- Mon Dieu Antoine, tu es la preuve vivante de ce que la nature peut réserver de meilleur. En toi, Louise dort encore dans un petit gène qui se transmet et qui lui ressemble. Pourquoi chercher autre chose !

- Avez-vous un portrait de cette aïeule dont vous parlez sans cesse ?

Sans un mot, Eugène sort de sa poche un médaillon accroché à une chaîne qui bringuebale sur son plastron. Antoine le tient entre ses doigts serrés.

- Mais…c’est un portrait de ma sœur jumelle « Jeanne » qui vit aux Etats-Unis !

 

 

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   Ses pas l’ont ramené tout droit à Montparnasse, dans l’allée des poètes, sous les arbres rescapés du raz de marée polluant généré par les hommes des années 2010, au pied de son seul point de repère : la tombe d’Eugène.

   Celle-ci semble l’attendre, comme le divan d’un psy qui se serait définitivement absenté.

   Il parle, il veut s’entendre pour que les mots s’impriment dans son cerveau cerné, qu’ils emplissent l’espace :

   - Je voudrais retrouver mes dix ans, le mouchoir de ma mère qui me raclait la peau par temps de gros rhume, la voix de mon père qui hurlait à l’ordre et à l’obéissance et la main de Jeanne qui me pinçait au sang les soirs de confidences chuchotées.

    Je voudrais retrouver mes années de collège, la cour et ses pommiers et le bouillon de poule que grand-mère Mary me faisait avaler lorsque la fièvre et l’hiver s’étaient installés dans mon corps retranché

   Sa main caresse la pierre, s’égare et se perd dans la chair de l’orchidée.

  -Sacré Eugène, comment as-tu fait toi pour vivre si longtemps sans rien regretter ? La méfiance me broie, je ne peux plus aimer, me promener… sans penser.

    Il y a toi et toutes ses années ! La vie dont tu ne veux plus et qui t’englue tel un poulpe à ton corps enlacé. Il y a grand-père et son laboratoire ultra protégé. Il dit connaître votre filiation et tu m’as affirmé le contraire ! Lequel des deux se noie dans un mensonge éhonté ?

    Il y a Lucie et son double, il y a le double et puis Lucie, qui s’entrecroisent et m’entraînent dans une danse de sentiments exacerbés où l’ivresse me prend et me fait chavirer.

   - un …deux…trois… soleil !

    Un temps pour se cacher.

    Laquelle est l’autre et l’autre est-elle celle que je veux aimer ?

    Il y a grand-mère et ses bouillons à présent pimentés de poudre d’éternité ! A-t-elle à ce point les yeux fermés ?

   

    Qui cache quoi ? Je voudrais déterrer…..la vérité !

 

   - Un de tes rêves peut se réaliser !

   Une voix a jailli de nulle part, une voix moqueuse, mutine, tendre, porté par un petit vent d’ouest qui vient de se lever.

   - Je peux encore le faire tu sais ?

   Les yeux d’Antoine brillent et se noient devant l’enfance retrouvée.

   - Jeanne ! C’est toi ?

   - Et qui pourrait souhaiter…te pincer ?

   Ils pleurent et s’enlacent à présent comme deux moitiés qui se rejoignent, les deux pièces d’un puzzle trop longtemps égarées, dont les formes s’épousent et se fondent dans l’harmonie d’un baiser.

   - Que fais-tu ici, dit Antoine en lui baisant les paupières.

   - Quel accueil ! Laisse-moi d’abord te toucher, ta peau m’a manquée.

   - Aïe !

   - Comme ça tu sais que tu ne rêves pas et puis… il ne fallait pas le demander !

   - Mais te retrouver ainsi… et justement, auprès de cette tombe !

   Antoine sursaute à présent :

   Eugène est assis sur sa pierre tombale et il sourit face à cette nouvelle Louise dont les bras voltigent et s’agitent dans tous les sens

   - Allons prendre un café, hurle Jeanne fracassant le silence qui s’est installé soudain.

   - Pas besoin de crier, murmure le vieil homme doucement. J’ai arrêté de vieillir à soixante ans, pas à cent…je ne suis pas sourd !

   Il faut voir ces trois là déambuler épaules contre épaules, chacun buvant les mots de l’autre comme « fontaine d’affection » et leur soif ne s’étanche pas !

   Et un peu plutard, dans un bistrot d’autrefois, ils parlent toujours :

   - Eugène m’a contactée aux Etats-Unis et m’a tout raconté.

    Le café est brûlant et Jeanne expulse l’air à petits souffles, gonflant ses joues puis expirant sur la tasse enfumée.

   - J’ai compris que tu avais besoin de moi et que notre présence à tous deux était indispensable à Eugène.

   Le jeune vieil homme acquiesce… :

  - Je ne veux pas entrer dans les détails mais la combinaison de vos gènes sera nécessaire  pour mon….départ.

 

 

 

  -Je ne voudrais pas paraître curieux mais… j’ai une question pour toi Eugène : où diable vis-tu, comment dire, entre deux sépultures ?

   Le vieil homme a soudain l’air de s’amuser beaucoup, comme un potache qui dissimule sa dernière incartade.

   -Mais je vis dans l’allée des poètes ! L’adresse en vaut bien une autre tu sais. Ecoutez bien tous les deux ce que je vais vous dire : de gros intérêts sont en jeu dans cette histoire. Vous ne pouvez imaginer à quel point IVE a infiltré le monde. Et ses ramifications sont gigantesques. Antoine a raison de se méfier de tout et de tous ! La terre entière est devenue un terrain miné. Vous ne pouvez plus avancer à découvert, il vous faut employer les armes de vos adversaires : dissimuler et jouer. Imaginez un énorme jeu d’échecs et je suis votre pièce maîtresse. Aussi, ne parlez plus de moi à personne et un jour nous pourrons hurler : « échec et mat »à la face grimaçante de ce ramassis de dégénérés !

  IVE a crée, avec la complicité des puissants, des centaines de lieux privilégiés appelés « SELF SERENITY PEOPLE ». Ceux-ci sont réservés à une élite, triée sur le volet par les têtes pensantes de cette organisation vénéneuse.

   Dans ces villes aseptisées, les gens vivent au ralenti, sans émotions, sans bruits, sans qu’aucun incident ne vienne troubler la sérénité des lieux. Les enfants y sont interdits ainsi que les chiens. Tout est réglementé outrageusement et des gardiens  lobotomisés par IVE veillent à chaque entrée.

   Evidemment, il était impensable d’envisager la mort ou la maladie dans un contexte pareil, alors le Calcandéocoliptus est arrivé à point nommé pour éviter ces petits désagréments. Seulement, Edouard n’a pas menti, ils n’ont pratiquement plus de stock et je reste le seul à connaître le secret de cette maudite plante, alors vous pensez si je les intéresse. L’orchidée de remplacement, plantée sur ma tombe, les a bluffés quelque temps, mais ils ont compris qu’il y avait leurre. Antoine est au bout de l’écheveau, il déroule le fil qui les conduira vers moi, méfiance donc. Edouard m’a secondé sans connaître notre parenté, mais je les soupçonne de l’avoir fait disparaître et de l’avoir remplacé par son clone. Celui-ci n’a pas enregistré toutes les données de l’original ou alors ce diable de petit homme noir a dissimulé quelques détails et leur a joué un tour à sa façon en créant des zones d’ombres dans son cerveau pour les égarer et nous alerter !

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
C
J'ai lu les deux premiers textes, je fais une pause et me garde le reste pour la faim, car tu m'as donné l'appétit (il est temps!!!) et j'ai vraiment adoré ce que j'ai lu, frissons garantis, dans les deux cas. Un style bien marqué qui se ballade avec grâce du passé au futur sans qu'on s'ennuie une minute...ma belle any, tu as du talent, je n'en ai jamais douté, mais je confirme. Tu n'as jamais essayé de faire éditer tes textes? je suis si contente de trouver tous ces trésors chez toi. Je t'embrasse et te dis à bientôt pour la suite;-)
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