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LES MOTS POUR LE DIRE...
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25 octobre 2015

Cadavre exquis....mes devoirs!

   

   Tout avait commencé le 11 Aout 1999…je travaillais sur un projet de réhabilitation d’une Ile abandonnée au large de la lagune à Venise.

   Je venais de terminer mes études et,  mon diplôme d’archi en poche, je me sentais prêt à construire un monde fait de géométrie variable dans l’espace.

   Je ne doutais pas !

   J’avais banni de mon vocabulaire certains mots comme : peut-être, pas sûr, difficile et doute, pour porter en étendard les : Je peux, sans problème, génial et certainement.

   J’avais eu 26 ans la veille et j’étais rebelle à toute pensée négative.

   Le monde m’appartenait !

   La jeunesse possède cette naïveté que l’on perd avec les années ou…pas ! Certains la conservent jusqu’à la fin de leur vie et gardent en eux une capacité d’émerveillement que je leur envie.

   Mais, revenons à Venise, à la lagune, aux palazzos : sentinelles postées le long du grand canal et qui observaient, derrière leurs vénitiennes closes le défilé incessant des vaporettis qui déversaient dans la Sérénissime le flot ininterrompu des estivants en mal de romantisme.

 

   Ils ne savaient pas encore, ces innocents, qu’ils allaient immanquablement  « tomber en amour » pour cette ville au charme enchanteur appelée par certains : la Dominante.

   J’avais donc été conduit par Bonato Biasion sur l’Ile de Poveglia.

   Le mutisme de l’homme, durant le trajet à bord du petit s’cispon qui fendait l’eau trouble de la lagune, m’avait interpellé. Mais je gardais en ligne de mire mon île attendue.

   Lorsque nous accostâmes, je constatai que le lieu était désert et qu’une brume  couvrait d’un voile fantomatique les contours de toutes choses, mélangeant le ciel et la terre en un amas glauque… déconcertant !

   Je trébuchai contre un cube de pierre taillée qui portait l’inscription : « NE FODIAS VITA FUNCTI   CONTAGIO REQUESCUNT », mes bases d’italien me permirent de traduire en : Les contaminés ne creuseront pas de nouvelles tombes pour les morts !

   J’avais vu en me retournant le visage de Bonato d’une pâleur diaphane, auréolé de brume, qui m’avait fait reculer.

   -mais qu’est ce que c’est que ce cirque ?

   -On ne vous a pas informé ?

   -Informé de quoi ?

   - …mais nous sommes sur l’île maudite, tous les Vénitiens la redoutent. Autrefois, on y bannissait ceux qui étaient atteints par la peste, c’était terrible. Il suffisait d’être présumé malade pour y être conduit. Bon moyen pour se débarrasser de gens encombrants.

   - Un Lazaret infâme qui accueillait toute la détresse humaine ?

   Je frissonnais, j’étais pourtant cartésien  et ne croyais qu’à la réalité des faits auxquels je m’accrochais comme un beau diable.

   DIABLE, soudain je l’avais pressenti, dans le bruissement  des feuilles, dans le murmure de voix désincarnées qui s’élevaient et me sollicitaient « viens, viens… » Et dans le chuintement de l’eau qui battait la riva.

 -  Bien avais-je dit d’un ton péremptoire, nous reviendrons sous le soleil.  

   Le lendemain soir, j’étais invité chez la signora Johanna Biason, à une fête en son portego.  Lassé des mondanités,  je me faufilai le long des portraits de famille et des coupes tendues, pour m’extirper sur la ruga qui bordait le grand canal.

   Nous étions le 11 Août 1999 et une éclipse totale avait pour un temps gommé le monde de la Cité des Doges. On dit en parlant de ce phénomène qu’un loup a attrapé le soleil !

   Je me hâtais à tâtons vers mon hôtel,  quand des cris déments envahirent l’espace. Mon ouïe était exacerbée, cherchant en mémoire ce qui pouvait correspondre à autant d’effroi dans une voix.

    Et je vis la « chose » se produire là sous mes yeux, qui cherchaient à s’accrocher à une réalité qui fuyait.

   Etait-ce  un rêve, une irréalité consentie ?

   Un homme se rapetissait, happé par une chauve-souris géante qui le couvrait de ses bras écartelés.

   Il devint comme une enveloppe vide qu’un pied indifférent fit basculer dans l’eau verdâtre.

   L’être maléfique était devenu  un oiseau immense,  comme nourri  de la vie qu’il venait de prendre. Quand il s’était retourné son regard avait capté ma présence!

   Comment pouvait-il me voir… ? Son visage était un masque hurlant rongé par la peste et, ses orbites n’étaient que trous béants.

   Il avait tendu les bras vers moi, comme pour se justifier et implorer. Puis, il avait courbé le dos sous son énorme cape noire qui ne dissimulait qu’en partie son corps mutilé.

   J’étais resté en arrêt, tous mes sens annihilés par l’horreur de la situation.

   Puis, mes 26 ans avaient refusé ce cauchemar récurrent.

  J’avais poussé d’un coup d’épaule la créature dans les remous saumâtres  et je l’avais vu s’enfoncer doucement dans les miasmes profonds, son bras levé dans une ultime supplique.

   Il avait disparu de ma réalité !

   Nous sommes aujourd’hui  le 20 Mars 2015, je vais bientôt avoir 42 ans et, ce matin, un loup a de nouveau attrapé le soleil…

  ANY

 

…mot imposé pour le suivant mafieux.   

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Commentaires
A
merci à vous portez-vous bien
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M
La suivante va s'amuser, mais ça parait très prometteur ! Je t'adresse ma suite par mail
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