Rosalie, Henri, Louis et les autres...

 La fièvre montait. L’angoisse serrait la gorge de Rosalie jusqu’à l’étouffement. Elle prit un mouchoir de baptiste, le mouilla de cette fameuse eau de violette que son frère César lui avait apporté de Toulouse et, d’un geste tendre, en tamponna le front de son puîné

Son regard s’égara un instant dans le jardin. Son gendre s’efforçait à courir derrière les canards. Elle sourit et eut une pensée désolée pour le repas dominical qui serait frugal à n’en pas douter. De toute façon, elle n’aurait rien pu avaler !

 La gloriette trônait au milieu de la cour, Henri ne l’avait pas démontée depuis la Pâque. Pourtant, l’automne couvait sous septembre et le tapis rougissant envahissait peu à peu le vert gazon.

 La femme grimaça en regardant suinter le papier peint. Il faudra changer tout cela, lorsque Marcel ira mieux. Les petits personnages aux sucettes géantes, dansaient depuis trop longtemps sur les murs et la naïveté du dessin ne convenait plus au grand jeune homme qui geignait au fond du lit de coin.

 Elle s’approcha du pupitre et commença une lettre pour son frère Louis d’une écriture appliquée, avec pleins et déliés. La langue pointée entre ses lèvres charnues, elle retrempait sa plume avec régularité dans l’encrier de porcelaine gorgé d’encre violette.

 Se retournant vers son fils, elle entrevit un avenir sombre. Alors, elle se leva et, saisissant le brumisateur pour soulager le jeune homme, alluma la lampe inondant de lumière le petit coin de chambre où reposait le malade.

Mots imposés en gras

Rosalie était ma grand-mère, Henri mon grand-père, Marcel est mon père et les oncles Louis et César ont bien existés.

J’ai raconté l’histoire des « photos de famille » dans un livre « L’album Photos » aux éditions Thot.