Le parfum des roses
Que sont-elles devenues les Chantal, les Claire et les Laure
qui posaient ce jour-là, sous les deux bras tendus
de l’imposante statue ?
Les mains croisées,
sourire figé
ou yeux rieurs,
de l’autre côté du miroir,
elles me regardent, prisonnières du temps,
coincées dans ma mémoire :
elles ont toujours douze ans !
Avec elles, je suis,
petit col serré,
la frange bien coupée
et les deux bras trop grands.
Derrière ces visages d’enfants,
je recherche les femmes,
je distribue les rôles,
arbitre du destin :
la brune est fonctionnaire
et la blonde doit avoir une ribambelle d’enfants !
Pour la grande au regard triste,
j’ai appris que l’image s’était effacée inexorablement !
Nous avons joué ensemble,
ri ensemble,
usé sur les bancs nos jupes et nos douze ans.
Sous la charmille, nous allions prier en neuvaines le Dieu des bonnes sœurs,
l’imposant Sacré-cœur,
qui croulait sous les roses à la belle saison.
Et, au bout du chemin, l’Huisne, comme notre jeunesse, s’écoulait doucement
et comme s’excusant.
Notre printemps fut court
et, à grands coups de dents,
nous avons dévoré les fruits de notre été.
La statue n’est plus là ILS l’ont fait tomber.
Il n’y a plus de rose à l’ombre des cyprès
et les tilleurs dorment, couchés sur le béton.
Si vous passez tout près et que vous avez gardé,
enfoui au fond de vous, un peu de votre enfance,
vous fermerez les yeux et, frôlant la glycine,
vous longerez les murs bordant la rue du Repos.
Poussant d’un pied rageur le caillou retrouvé,
vous franchirez alors le portail rouillé
et entendrez la voix des enfants chanter :
« Chez nous soyez Reine
Nous sommes à vous
Régnez en souveraine
Chez nous, chez nous ! »
...Et si vous êtes vraiment très attentif, ou simplement incorrigiblement rêveur,
vous sentirez monter vers vous l’odeur mêlée des roses et des tilleuls en fleurs.
Chez nous.....à l’école du Sacré-cœur !