Vincent
Vincent fermait yeux. Il essayait de reproduire avec des mots l'image fixée en lui, flashée dans sa mémoire. L'émotion était au bord de sa plume, prête à jaillir avec l'encre, l'encre libératrice qui redessine le temps...poétiquement.
Il saisissait l'instant fragile, celui qui oscille entre rêve et certitude, celui qui frôle l'immortalité par la sérénité et l'absolu...lentement...comme en passant... par la vie, par les yeux. Et, il s'en imprégnait comme une éponge qui se gonfle pour se vider ensuite de toute substance.
Eve lisait par dessus son épaule. Elle recula, ne comprenant pas cette attitude face à la beauté, face à l'amplitude de ses sentiments, ce besoin qu'il avait d’enfermer les choses, de se les approprier pour mieux les posséder par les mots.
Ca en devenait presque indécent.
Elle, elle les jetait de sa vie et de sa mémoire après les avoir"consommées"comme objets de jouissance éphémère. Elle en usait comme les instruments d'un bonheur fugace, sans se préoccuper de les stocker, ni de les faire partager, en épicurienne égoïste et fière de l'être!
Il la regarda et elle lui sourit, sachant que ce sourire même devrait être disséqué et reproduit en émotions sur le papier.
Parfois, elle regrettait de ne pas vivre avec un peintre qui jetterait sur la toile couleurs et sentiments ...éclaboussant le blanc!