Cachée sous les draps...

Elle s’en voulait, mais la cruauté était devenue pour elle comme une évidence et elle en usait sans état d’âme.

Ils avaient trop crié. Elle les entendait encore chaque fois que la nuit la renvoyait au jour :

…Elle n'avait pas aimé ce sommeil qu'on lui avait imposé les après-midi d'été à l'ombre des volets, mais s’était soumise à ce rituel avec résignation.

Elle n'avait pas écouté, c’était eux qui n’avaient pas modulé leurs voix pour la préserver, elle, de tous ces mots d'adultes. Elle s'était étouffée sous l'oreiller pour ne pas entendre, mais les phrases hurlées lui étaient parvenues assourdies par les plumes, comme dans un rêve qui aurait soudain basculé dans le grand gouffre du cauchemar.

Maman avait eu cette petite voix haut perchée qui savait si bien murmurer, caresser, apaiser les soirs de tendresse, mais qui ce jour-là tranchait, revendiquait, portant haut l'étendard de la révolte conjugale!

Lui, avait fui tout d'abord...

Les hurlements s'étaient engouffrés dans les couloirs, se faufilant dans les chambres, rejoignant le jardin pour mourir sous les pommiers.

Il avait fini par mêler sa voix à l'autre dans un enchevêtrement d'invectives qui avait laissé Madie pantelante, petite chose liquéfiée au milieu des draps blancs.

Elle les avait haï alors, écrasée par le poids de leurs rancoeurs : chair de leur chair, minuscule poupée abandonnée dans un coin de leurs mémoires.