11 SEPTEMBRE 2001
LAURENT
World Trade Center
Manhattan
Je ruisselle ! Et cette fumée, je ne vois plus rien……sécurité !
Ils ne sont jamais là quand on a besoin d’eux ceux là.
Je vais fermer les yeux, c’est çà : je vais essayer de penser à quelque chose d’agréable…
- Laurent ! Laurent !
- LAURENT ! LAURENT !... Les
alliances, où as-tu mis les alliances ?
- Je suis ton
garçon d’honneur et c’est moi qui dois m’en charger.
- Je descends
tout de suite, une minute, je suis dans la salle de bain.
- Mon Dieu, tu
ne vas pas te marier avec cette dégaine. Et puis, ces cheveux plaqués,
franchement, çà fait crooner sur le retour ! Allez viens !
...Il faisait
beau ce jour là, beau et chaud...
- Ce qu’il fait chaud ! Putain ! La clim doit déconner !
L’Huisne prélassait
ses méandres dans le vert des berges et le vieux saule d’autrefois, pleurait
mon enfance achevée.
Je me souviens
de cette envie que j’avais eu alors de larguer mon corps à la rivière comme un
paquet encombrant !
Mon corps, à
présent je le sens, il me fait payer les intérêts. J’ai du me péter le
dos !
Laetitia était
apparue soudain dans un nuage de mousseline parfumée et j’en avais été
subjugué.
Une madone
descendue d’un vitrail. Ah oui...c’est vrai que j’avais voulu être curé !
Curé ! On
n’a pas idée ! Mais si, ce projet, cette vocation sans doute, je l’avais
due à mon éducation psychorigide : ambiance feutrée, peu de dialogue à la
maison.
Le
« cathé » en lavage de cerveau, le « patro » faisant office
de garderie le mercredi et la messe comme loisir du dimanche.
Mais, il y avait
eu Laetitia : ses rires volants en éclats, ses disques de Ballavoine et sa
passion pour les films d’auteurs.
Elle avait
ouvert une grande fenêtre dans ma vie et l’air s’était engouffré, rugissant comme
une tempête, caressant comme une brise mais créant un courant qui
m’annihilait !
- De
l’air ! De l’air !...je manque d’air.
La journée avait
passé comme dans un rêve, virant parfois au cauchemar !
Toutes les
petites marionnettes s’étaient agitées, les fils bien tendus, le mécanisme qui
les actionnait, bien huilé. Pas de fausse notes : ma mère en tailleur
Channel, suant sa rigidité par tous les pores , gardant le contrôle du navire
et refusant le naufrage, droite à la barre et mon père, susurrant des douceurs
à ma belle-mère tout en sirotant un petit vin de Loire avec excès .
Et mes amis, ah
oui mes amis !...formant une troupe de choc, me maintenant debout avec
leur ironie et leurs calembours, exigeant le rictus du sourire sur mon visage
de glace, je m’en étais froissé les zygomatiques !
Et, bien sur, il
y avait Laetitia, la fée clochette Laetitia, avec son conte « il
était une fois » accroché en guirlandes au-dessus de mes pas. Elle en
avait perdu son auréole et, chignon lâché, s’était transformée en une Walkyrie
échevelée.- Une photo.....la dernière !
Encore un effort
mes zygomatiques !
- Purée ! J’ai du
rêver...oui, c’est ça JE REVE....je vais me réveiller doucement.
- 11 septembre, nous sommes le 11
SEPTEMBRE...c'est notre anniversaire de mariage!
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